Partager la publication "Nutri-Score : comment ce système va continuer à empoisonner les consommateurs"
Après plusieurs années de bataille, le système Nutri-Score et son code à 5 couleurs a enfin été adapté. Les aliments se voient désormais attribuer des points en fonction de leur teneur en gras, sucre, sel et calories. Ils obtiennent ainsi une lettre et une couleur qui leur donne un classement du meilleur (A – vert) au pire (E – rouge).
Si ce système part d’une bonne intention en permettant au consommateur de savoir, en un coup d’oeil , quelle marque de pizzas ou de biscuits est meilleure que l’autre, il comporte néanmoins de grosses imperfections. Vous allez voir que ce système ne prend pas en compte un élément fondamental qui aura des répercussions négatives sur la santé mais aussi sur les stratégies des industriels.
Si vous voulez passer les détails techniques (Comment est calculé le Nutri-Score ?) et rentrer dans le vif du sujet, dirigez-vous directement au deuxième titre : Comment noyer le poisson dans l’eau…
Comment est calculé le Nutri-Score ?
Le système Nutri-Score prévoit une notation des produits alimentaires allant de A (vert) à E (rouge), A étant le meilleur score.
A chaque lettre correspond une fourchette de notes. Plus la note finale du produit est importante, plus le produit est jugé mauvais:
Aliments solides :
A – Vert : de -15 à -2
B – Jaune : de -1 à 3
C – Orange : de 4 à 11
D – Rose : de 12 à 16
E – Rouge : 17 à 40
Boissons :
A – Vert : de -15 à 0
B – Jaune : de 1 à 4
C – Orange : de 5 à 8
D – Rose : de 9 à 11
E – Rouge : 12 à 40
La note finale d’un produit alimentaire dépend de 7 critères :
Les 4 critères « négatifs » (points A)
Les trois critères « positifs » (points C)
Calcul de la note finale :
- Si les points A < 11, alors score = points A – points C
- Si les points A ≥ 11
Si les points pour les fruits, légumes et noix = 5, alors score = points A – points C
Si les points pour les fruits, légumes et noix < 5, alors score = points A – (points pour les fibres + points pour les fruits, légumes et noix)
Pour trois catégories d’aliments (boissons, fromages et matières grasses), des évaluations selon d’autres critères ont été spécifiquement crées :
Pour les boissons, 2 critères : La quantité de sucre et la valeur énergétique
Pour les fromages, les mêmes 7 critères avec un comptage différent
Pour les matières grasses, 1 critère : La quantité de graisses saturées.
Quand on n’y regarde pas de plus près, tout cela semble assez cohérent. En effet, on nous rabâche à longueur de journées qu’il ne faut pas manger trop gras, trop sucré, trop salé. Sans oublier nos 5 fruits et légumes par jour !
Comment noyer le poisson dans l’eau…
Oups, il me semble que Nutriscore a oublié de prendre en compte quelques critères qui ont leur petite importance dans la santé du consommateur, mine de rien !
A mais oui les conservateurs, les colorants, les édulcorants, les émulsifiants, les nitrites qui font la jolie couleur du jambon, les traitements industriels (hydrogénation des huiles, raffinages des sucres, des farines, des huiles) qui rendent les calories vides de tous bénéfices nutritionnels et j’en passe…
Mince du coup ça veut dire qu’un biscuit bourré d’édulcorant et d’émulsifiants pourra avoir un joli A vert parce qu’il ne contiendra que très peu de sucre et de gras, alors qu’un biscuit avec des ingrédients simples et inoffensifs pour la santé, pourra être affublé d’un terrible E rouge ?
Notons aussi qu’il existe des bonnes graisses saines et indispensables pour l’organisme qui ne font en plus pas grossir. Bien entendu, les industriels n’utilisent que très rarement ces bonnes graisses (ou alors elles sont dénaturées) et rares sont les produits qui en contiennent. De plus, toutes les calories ne se valent pas. Consommer 200 calories de biscuits ne contenant que quelques ingrédients nobles est bien meilleur que consommer 200 calories de biscuits contenant une longue liste d’ingrédients à base de matières premières transformées.
J’ai dû louper quelque chose… Du coup il sert à quoi ce Nutri-Score ? Mais bien sûr, à nous rappeler qu’il faut manger plus régulièrement et en plus grandes quantités des légumes, des fruits, des protéines plutôt que du gras (les mauvaises graisses, pas les bonnes), trop de sel, de sucre et de calories. Heureusement qu’une équipe de scientifiques a travaillé de longs mois sur ce projet pour nous rappeler à la voie de la sagesse alimentaire.
S’il est certain que les apports en mauvaises graisses, en sucre et en sel doivent être limités, il me semble néanmoins que ce système de notation nutritionnel n’ait que faux semblant. On nous dit qu’il poussera les industriels à améliorer leurs recettes. Pourtant, si l’ajout de toute sorte d’additifs n’est pas pris en compte dans cette note, cela risque au contraire de conforter l’usage de la technologie et de la chimie dans l’objectif de biaiser la note et le consommateur. Pire encore, cette notation risque de fortement défavoriser des produits à la composition naturelle comme j’ai pu le démontrer dans l’exemple du biscuit.
Pour mieux comprendre les enjeux des transformations alimentaires, je vous propose de lire cet extrait de Christian Rémésy, directeur de recherche à l’INRA :
” L’industrie agro-alimentaire empoisonne-t-elle les consommateurs ?
On ne peut pas le dire de cette façon mais la production industrielle n’a pas été conçue pour être adaptée aux besoins de l’homme. On ne peut pas parler d’un empoisonnement au sens propre mais, en revanche, on peut parler d’un « empoisonnement énergétique ». A partir des aliments, l’industrie agro-alimentaire extrait des matières grasses, du sucre, de la farine raffinée. Tout cela en isolant la partie énergétique de la partie non-énergétique, composée par exemple de fibres et de micronutriments.
Ceci est très inquiétant car on sait ce que cela provoque sur l’organisme. On retrouve aux EtatsUnis, pays où les transformations alimentaires sont très importantes, des épidémies d’obésité et de maladies métaboliques comme le diabète. On connaît déjà bien les méfaits d’une telle alimentation.
L’industrie agro-alimentaire a simplement eu une volonté de produire. Mais à l’évidence elle ne s’est pas posée beaucoup de questions sur les conséquences à long terme de l’offre qu’elle proposait consommateurs. Et sans un cadrage clair des pouvoirs publics, il est arrivé ce qui devait arriver…
C’est finalement toute la chaîne alimentaire qui doit être réformée. On doit exiger que les aliments aient une densité nutritionnelle suffisante. Par exemple, un pain devrait être fabriqué avec de la farine type 80. Dans un grain de blé, les minéraux et autres vitamines se trouvent dans l’enveloppe du grain. En l’enlevant, on ne garde finalement qu’un quart des vitamines et des minéraux initialement présents. Ainsi, une farine blanche de type 55 contient 0,55 grammes de minéraux pour 100 grammes alors que la farine intégrale (type 180) en contient 1,80 grammes pour 100 grammes. Dans la farine blanche, on retrouve peu de magnésium, peu de fibres, peu de vitamines B… substances pourtant présentes dans le grain d’origine. Des législateurs auraient dû et pu directement imposer que le pain soit fabriqué à partir de farine type 80. “
On pourra aussi citer les méfaits des édulcorants qui incitent à manger plus par un mécanisme d’actions sur notre cerveau qui a été identifié par des chercheurs de l’Université de Sydney (Australie). L’étude, Résumé de l’étude dans sciences et avenir.
Quel système aurait pu être véritablement pertinent ?
Pour réellement informer le consommateur en toute transparence une note devrait caractériser « la naturalité » des produits alimentaires. Ou en d’autres mots le degré de transformation des ingrédients utilisés. Pour compléter cette information on pourrait imaginer une suggestion de fréquence et de quantité de consommation. En effet, dans le cas d’un biscuit « pur beurre bio » et peu transformé, il pourrait tout de même être précisé une quantité journalière en unité à ne pas dépasser.
La mise en place d’un tel système de notation est tout à fait illusoire, du fait qu’il mettrait un terme à toutes les pratiques subversives d’une grande partie des multinationales alimentaires. Etant conscients de cela, il ne s’agit pas de non plus de se faire leurrer par des artéfacts comme celui qu’est le Nutri-Score.
Le conseil de la fin
Quelques-uns diront que pour la plupart des traitements industriels ou additifs, aucun lien à l’effet néfaste n’a été établi avec la santé des consommateurs. Mais n’oublions pas qu’une grande partie des études qui mettent en lien santé et alimentation sont financées par les industriels eux-mêmes. Le projet de mise en place d’un système d’évaluation proposé par Marisol Touraine a lui aussi été financé à hauteur de 75% par les géants de l’industrie agroalimentaire (article ici).
Alors écoutons notre intuition, et évitons tant que possible les produits bourrés d’additifs et d’ingrédients transformés pour les besoins de la technologie. Mangeons des produits bruts, naturels et issus de l’agriculture biologique.
Cet article a été rédigé par une personne de l’agroalimentaire qui souhaite garder son anonymat. Il a été rajouté par mes soins l’introduction ainsi que quelques annotations sur l’importance des bonnes graisses et des différentes calories.
7 réflexions au sujet de « Nutri-Score : comment ce système va continuer à empoisonner les consommateurs »
Bonjour Synergie,
J’allais émettre une réserve à cet intéressant article, mais vous la faites vous même en toute fin :
“Quelques-uns diront que pour la plupart des traitements industriels ou additifs, aucun lien à l’effet néfaste n’a été établi avec la santé des consommateurs.”
… et ça me parait pour le moins justifié, non ?
Je reste gêné des accusations que vous faites sans les étayer. 🙁
Merci 🙂
OK c’est noté : dommage mais pour dialoguer il faut être deux et à “armes égales”. Quelques remarques quand-même :
1) Ajouter un additif à une compote ne fait pas baisser le score puisqu’il ne prend pas en compte les additifs ni le degré de transformation
2) Ce n’est pas parce que les gens manquent d’instruction qu’on doit être obligatoirement ‘simpliste’ : les gens sont intelligents et plein de bon sens
3) Comme souligné, le risque est de vouloir basculer d’une note D-E à A-C en réduisant 1 ou 2 nutriments, souvent remplacés par une myriade d’additifs/ingrédients cosmétiques qui font du produit final un produit encore moins bien que le produit de départ ! Il n’y a qu’à voir les sans-gluten, les produits allégés, etc.
Mais bon merci quand-même de vos commentaires.
Bonjour Mr Fardet, l’auteur de cet article a souhaité rester anonyme…
Bonjour, Il y aurait quelques points à corriger dans ce que vous dites. Cependant pour poursuivre ce blog intéressant il faudrait que vous dévoiliez votre identité comme je l’ai fait : Anthony Fardet, chercher INRA. Merci.
Bonjour, Le score Siga répond à votre questionnement légitime : un score holistique basé sur le degré de transformation, la liste d’ingrédients et l’approche holistique de ‘l’aliment : https://siga.care/
Quelques petits commentaires.
1 – le nutri-score n’est pas un outil pour les personnes qui prennent le temps d’analyser les ingrédients et les valeurs nutritionnelles avant d’acheter, mais pour celles qui ont le réflexe d’acheter le moins cher sans regarder trop loin. Ce n’est pas parfait, mais pour les personnes manquant d’instruction, c’est ce qu’on a trouvé de plus efficace comme indicateur.
2 – le nutriscore est sur la base du volontariat suite au lobbying intense des industriels pour lutter contre. Les professionnels de la malbouffe sont les plus ardents pourfendeurs du nutriscore. Vous trouverez dans les ennemis du nutriscore les sociétés qui vendent des sodas, des barres chocolatés, de la pâte à tartiner (celle à l’huile de palme) et des bonbons. Bref, plus le produit est bourré d’additifs et ultra-transformé, plus son fabricant est anti-nutriscore !
3 – si le système n’est pas parfait, ce qui est impossible avec un système aussi simpliste, à l’heure actuelle, ce sont les produits les plus riches en fruits et légumes et les moins transformés qui s’en sortent. Ajouter des additifs à une compote ne peut que faire baisser son score. Un nectar de fruits aura forcément un moins bon score qu’un pur jus. Même bourrés d’additifs, une boîte de raviolis sera forcément moins bien notée qu’une boîte de légumes nature. Donc globalement, il est faux de dire que ce système va permettre d’empoisonner un peu plus le consommateur.
Ce qui ne signifie pas que les industriels ne trouveront pas la parade ! D’ailleurs, elle est déjà trouvée : ils n’utilisent pas le nutri-score, c’est encore le plus simple. Mais si un jour le nutriscore venait à se généraliser, oui, il serait préférable de vérifier quand même les ingrédients.